que tu saches qui je suis • ft maxine (2024)

il a les habits tachés de sang, le visage mort. dans ses yeux pas de lueur, que le reflet du chat mort. sa nuque est brisée, ses pattes ne courent plus. son cœur ne bat plus. il avait plongé ses mains d’enfants dans l’estomac du félin, pour y sortir ses tripes, ses intestins, son coeur, son foie, ses reins. il avait dérobé son intérieur pour peindre la terre de sang - la couleur carmin il se l’était aussi étalé sur le teint. alexander n’a que l’image de sa mère épandue au sol, son souffle de vie éteint. les souvenirs trahissent ses émois de gosse ; il n’a que de la rage dans le corps.

derrière lui il laisse le cadavre du chat, va chercher maxine sous les regards indiscrets (certains sont stupéfaits, d’autres ont déjà vu le sang couler) ; mais il ne dit pas tout, il demande

« viens, viens avec moi. » et la ramène là où le crime s’est fait. il est debout, droit, il regarde l’immondice de son acte mais ne peux pas le cacher, alors il le montre, espère ne pas devoir en parler : mais il faut qu’elle sache, parce qu’il n’a pas honte, non,

alexander n’a pas honte d’être vilain.

« c’est moi qui ai fait ça. »

il apprendra plus tard comment signer son art.

c’est assez étrange parce qu’elle n’a pas de dégoût pour crisper son visage. alexander ne comprend pas mais si on ne s’énerve pas sur lui, il n’a pas de raison d’avoir peur. il ne dira pas pardon. pourquoi s’excuserait-il ? il la regarde, elle a dit qu’il est un ange. c’est rare. sa mère l’insultait de démon. il attend, se fascine pour son sourire tendre. quand elle pointe du doigt les reins étalés de l’animal, alors il se détache de son admiration pour elle, suit le mouvement jusqu’à observer ce bout de chat qui embrasse la terre.

« non. mais j’avais envie de le sortir, de tout sortir. de tout lui enlever. c’est pas possible avec les insectes. c’est trop petit. mais eux je peux les garder dans un livre. chaque chose à sa place. ma mère elle était étalée par terre, comme ça. »

il se rapproche, ses mains d’enfant sur le bras tendu de maxine.

« comment ça s’appelle, alors ? »

curiosité morbide ne laisse pas longtemps vivre les souvenirs, alexander malgré ses horreurs reste un enfant en quête de connaissance - et tout ce qu’il sait, c’est qu’il doit écouter les plus grands pour apprendre. quand il saura ce qu’il a laissé gésir sur le sol, il saura qu’il pourra rechercher les mêmes organes dans tous les autres chats sauvages.

elle explique simplement, avec des mots que tout le monde peut comprendre. dans ses yeux il y voit une tendresse nouvelle, un amour différent. quelque chose de rouge écarlate, mais sans l’effet de… tâches. il est attentif, scolaire ; alexander aime apprendre autant qu’il aime exécuter. se sentant comme le centre même de toute attention, malgré le cadavre qui décorait macabrement le sol, il se tenait droit et suivait chaque mouvement, gourmand d’apprendre.

« d’accord. »

les reins sont donc essentiels, se dit-il. raison de plus pour les lui retirer. elle reprend, et il répond ;

« c’est moi qui l’ai tué. » ses joues débarbouillées il ferme ses yeux, comme mécontent de sentir le tissu se frotter contre lui. d’ordinaire il aurait usé de ses mains, d’ordinaire ; il se serait caché dans la salle de bain. quand elle termine, il n’est plus en colère - ce sentiment insolent était venu et reparti avec le mouchoir.

« j’ai jamais lu les livres de médecine. mais j’ai vu beaucoup de chats comme ça, et des hérissons aussi. mais c’est plus dur avec les hérissons : ça pique. et c’est tout petit. maman elle était grande elle, tout était éparpillé ! » ses mains font des ronds dans l’espace, il image ses souvenirs du mieux qu’il peut. « je me souviens pas bien mais elle avait de grands intestins. c’est ça. » il désigne ceux du chat, avant de s’accroupir pour les prendre à pleines mains. « c’était dix fois plus grand même. je crois. trop bizarre. elle puait. elle puait tout le temps de toute façon. connasse. »

son regard est bloqué sur le félin, sa voix est monotone. et puis il jette au sol ce qu’il tenait fermement, après les avoir serrés dans ses paumes.

ah, il entend, perçoit. le dernier mot qu’il avait utilisé n’était pas de ceux qu’elle aimait. il lève ses yeux, soutient son regard sans s’habiller de mépris : il croit juste qu’ainsi elle comprend qu’il ne recommencera plus. « pardon. » la voix étouffée, aussi petite que possible. la décevoir serait bien pire que d’être frappé, et d'expérience il le sait.

heureusem*nt l’orage n’est que passager, rayonne alors à nouveau son soleil. pour ne pas fauter plus que déjà, il écoute, silencieux. essaye d’assimiler, de décoder ce que le processus implique. il croit faire la liaison : on ne tue pas ce qui ne nous appartient pas. la possession c’est le droit. on peut quand on a. si on a pas, on ne peut pas. il regarde le chat mort. boude un peu ; c’est que ce n’était pas son chat alors, il avait surement rendu triste quelqu’un. mais il n’entend pas de pleur, ne subit aucune colère - alors honnêtement, cette leçon de vie le dépasse aussi vite qu’elle fut venue.

« mais tu iras les chercher où alors ? tu vas adopter des chats ? comment tu fais la différence entre un chat errant et le chat de quelqu’un ? » autant tous les tuer après tout. « mais je vais attendre, promis. je ferai comme tu me dis. je fais toujours comme tu me dis tu sais. » c’est important qu’elle le sache : important qu’elle soit fière. et puis il s’avance un peu, pose la pointe de sa chaussure sur le sang qui s’oxyde. « je dirai plus de gros mots. » plus jamais le tonnerre dans son regard de mère. mais pour le reste il ignore inconsciemment encore qu’il n’aura jamais la patience d’attendre qu’on lui dise quand il peut disséquer. ses déclarations sont honnêtes mais bien trop faibles face à la démence qui le guète déjà.

« je peux enterrer celui là ? »

il aime, difficilement, mais il aime la caresse qu'elle lui offre, comme un soupçon de tendresse qui ne brûle pas la peau. sans oser fermer les yeux, comment pourrait-il ne pas admirer maxine à un moment si exceptionnel ?

mais il ne comprend pas ses mots, pourquoi certains craignent le sang ? c'est ce que tout le monde a dans le corps, au même titre que les organes qu'il s'était à étaler contre le sol tel un puzzle. mais de son petit âge il sait déjà : débattre n'est pas toujours utile. ses épaules se haussent, son retard divague sur le chat. si maxine ne lui prend qu'une bête, comme elle le dit ; alors il ne faudra pas le tuer. alors comment faire ? il souffle, l'esprit trop en pagaille.

quand elle l'invite à le suivre il tend sa main, véritable réflexe qu'il n'avait développé qu'une fois avoir mis les pieds ici. sa paume enveloppée par celle de sa nouvelle mère, il suit le pas, une moue au visage. c'est qu'en si peu de temps, il s'en passe des choses dans la caboche…

« je comprends pas tout et c'est parce que je suis trop petit je sais, mais… le sang c'est normal… tant pis. »

il frotte le coin de sa bouche avec sa main libre, encore marquée par le sang. s'il a eu le temps de sécher, il n'en reste pas moins macabre sur le petit enfant.

« tu as pas peur que je sois pas comme les autres garçons ? je ne me suis pas encore fait d'amis. tu ne veux pas qu'on me voit jouer avec les chats. je sais que je suis pas comme les autres garçons… »

mais il n'a pas peur pour lui. alexander se sait spécial, différent ; il a simplement peur que d'autres s'en sentent gêné.